Ces dernières années, j’ai lu de nombreux ouvrages portant sur des thèmes très diversifiés ( l’épistémologie – la science de la science, la psychologie positive, le stoïcisme, le bouddhisme, le développement personnel, la philogophie…). Au fil du temps, j’ai commencé à me construire un noyau de valeurs qui sont pour moi le meilleur chemin vers une vie sereine et éclairée. Ces valeurs se basent principalement sur le stoïcisme, certaines recherches récentes en psychologie positives et sur le bouddhisme. J’ai évidemment beaucoup de mal à les respecter scrupuleusement, mais se les fixer comme principe me guide dans mes décisions et m’aide à grandir (j’espère).
A mes yeux, le but de la vie est de devenir plus sage. De gagner en détachement. À cette fin, deux points d’attention sont les plus importants pour moi :
- Se concentrer le plus que possible sur l’instant présent.
- Affiner ma vision du monde en me basant sur des données empiriques.
Lorsque j’ai lu "Radical honnesty", de Brad Blanton, c’était fort de ces principes et de cette vision du monde. Hors, pour moi :
Radical Honnesty est une théorie unifiée de mes principes de vie
fondamentaux.
C’est le premier livre que je recommanderais à n’importe qui. Il formalise des idées qui flottaient dans mon esprit sans vraiment que je les comprenne. Selon moi, le vrai intérêt de ce livre, c’est le modèle de l’esprit humain présenté par son auteur. Dans cet article, je vais essayer de faire honneur à Brad Blanton en expliquant pourquoi je pense que son ouvrage est fondamental à une meilleur compréhension de l’être humain, de la société et pourquoi il fournit des principes de vie sains.
I. D’après l’honnêteté radicale, quelles règles se fixer?
Aucune.
Ce livre a été révélateur pour moi. En quelques phrases, voici comment Blanton conçoit le développement de l’esprit humain (attention, si vous êtes psychologue, ce paragraphe peut vous faire saigner les yeux, je m’en excuse et suis ouvert à toute recommandation. Aussi, lisez le livre 😉 ). L’être humain perçoit son environnement pour la première fois vers la fin de sa vie en tant que fœtus. Il réagit à des stimuli externes. Dans cet état, un humain n’a pas de pensée construite. Après la naissance, l’enfant va peu à peu prendre conscience et expérimenter le monde autour de lui. De ses expériences, l’enfant développe une représentation du monde dans son esprit. Elle est basée sur l’océan de suggestions présents dans son esprit. Et c’est cette représentation du monde qui définira la personnalité et les mécanismes d’un être humain.
D’après Blanton, plus on s’approche de notre état initial, l’état de fœtus, plus on est heureux. C’est une image, évidemment, mais elle est très parlante. En effet, ce qui nous rend malheureux, c’est l’écart entre notre représentation du monde et ce qu’il est vraiment :
- La névrose, c’est se plaindre que le monde n’est pas comme on voudrait qu’il soit.
- L’angoisse sociale est, entre autre, due à la peur que notre identité (notre représentation de nous) soit mise à mal par ce que nous sommes vraiment.
- Le stress, c’est l’anticipation d’événements (une représentation) qui ne sont pas encore…
Bien évidemment, Blanton présente là un modèle (à considérer comme tel). On ne peut pas résumer
toute la psychologie moderne à cet écart entre représentation du monde et ce que le monde est vraiment. Mais ce modèle pose des principes de vie édifiants. Se rapprocher de l’état fœtal, c’est expérimenter le monde tel qu’il est (comportement encouragé depuis 2500 ans par les bouddhistes). Cette phrase a une multitudes de conséquences. Elle nous pousse :
- à prendre pleine conscience du monde ;
- à être authentique ;
- à se baser sur ses expériences du monde qu’on a au moment de prendre une décision, et non sur des principes moraux ou des règles.
Prendre pleine conscience du monde, sans jugement
Les bouddhistes le recommandent depuis 2500 ans, et la science le confirme : la pleine conscience est bénéfique pour la santé mentale. Quand on ne fait rien, au lieu de cogiter des pensées aléatoires, il vaut mieux se concentrer pleinement sur une seule chose. Que ce soit sa respiration, son toucher, un beau paysage, un problème de maths ou le prochain article du blog qu’on va écrire.
La pleine conscience est directement liée au "flow". Le flow est un état psychologique découvert pour la première fois par Mihály Csíkszentmihályi et c’est le Graal des coachs sportifs, artistes et autres performeurs. Lorsqu’on est "dans le flow", on est tellement plongé dans une tâche (parce qu’elle est un peu plus difficile que ce qu’on fait d’habitude et/ou parce qu’on est passionné par ce qu’on fait), qu’on en perd la notion de temps.
En pleine conscience ou en "flow", on focalise la totalité de son attention sur un seul objet ou une seule tâche. On court-circuite alors les pensées négatives, les angoisses et nos attachements divers. C’est extrêmement bénéfique. Il existe d’ailleurs une thérapie basée sur la méditation pleine conscience – la Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR) – qui est utilisée depuis longtemps pour soigner le stress.
Mais attention : dévouer toute son attention sur un objet doit être actif. On doit délibérément le faire, en fournissant un effort cognitif. C’est pour ça que regarder un épisode de sa série télévisée préférée n’est pas considéré comme de la pleine conscience. Une vidéo est une information très chargée (son, couleur, scénario), qui nous stimule automatiquement, sans qu’on ait vraiment besoin de se concentrer dessus. Si on prend l’habitude des tâches stimulantes (réseaux sociaux, séries, jeux…) alors on aura toujours besoin d’elles pour être focalisé. Le cinéma nous fournit de bons exemples d’œuvres qui nous demandent activement de se focaliser. Le flim "The Tree of Life", de Terrence Malick, en est (pour moi) l’exemple ultime. De même, la lecture est une activité moins stimulante qui demande de la concentration plus active.
Je reviendrai sûrement en détails sur la méditation qui est un très bon outil pour développer activement sa pleine conscience. Les recherches sur le sujet ont explosé ces dernières années (600 articles en 2000 contre 5000 en 2018), et Daniel Goleman a récemment publié un état de l’art qui les compile. On attribue parfois des vertus miracles à la méditation. Ce dont on est sûr, c’est qu’elle a des vertus thérapeutiques. On sait que la MBSR est un anti-douleur, un anti-dépresseur et un anti-stress efficace. De même, il est difficile de dire pour l’instant si méditer quotidiennement modifie notre personnalité durablement (même quelques mois après qu’on ait arrêté), en revanche, si on médite environ 20 minutes par jour, notre bien-être est considérablement amélioré du moment qu’on maintient la pratique.
Méditer, c’est s’exercer dans le meilleur cadre possible à prendre pleinement conscience de ce qui est. C’est aussi développer ce que Blanton appelle notre "observateur interne" (the noticer). L’observateur est une conscience de notre conscience (une méta-conscience), qui nous permet de remarquer les pensées qui émergent spontanément dans notre esprit. Quand je médite, il m’arrive très fréquemment de penser à autre chose. Et même si je me dévoue entièrement à essayer de compter mes respirations, je n’arrive presque jamais jusqu’à 10 (une trentaine de secondes!) sans avoir soudain pensé à autre chose. Parce
qu’une pensée initiale dans mon esprit ("Quelle heure il est?", "J’ai pas oublié de sauvegarder mon boulot aujourd’hui?") a déclenché en moi une succession de pensées. Développer son observateur interne, c’est remarquer quand une de ces pensée contre-productive surgit, sans jugement. Une fois qu’on les remarque, il est plus simple de les contrôler et de retourner sur sa respiration, et donc d’expérimenter le monde pleinement tel qu’il est.
Voilà comment le modèle développé par Blanton nous guide pour mûrir et améliorer nos schémas de pensées. Il faut toujours se ramener à l’expérimentation réelle du monde plutôt qu’à la représentation que nous nous sommes faite du monde. Mais ce modèle nous aide aussi énormément à la prise de décision.
[À suivre]