Impossible de condenser en un article (ou même en cent) toute la recherche en psychologie, philosophie, neuroscience… sur le bonheur. La chercheuse Sonja Lyubomirski a réalisé de beaux travaux sur le sujet. Dans “A How of Happiness”, elle condense toutes ses recherches.
Ce livre fait partie de ceux qui ont le plus changé ma vie, car j’y ai appris deux leçons vraiment importantes : bâtir une vie heureuse doit être une entreprise active, et les circonstances extérieures ont peu d’impact sur son bien-être.
D’après Lyubomirski, notre bien-être global est défini à :
- 50% par des facteurs génétiques et notre bagage culturel (on ne peut plus les changer) ;
- 40% par notre comportement et notre attitude (on peut les changer) ;
- 10% par les circonstances extérieures (on peut les changer).
Attention : Lyubomirski est une chercheuse en psychologie positive, par conséquent elle ne parle pas de la dépression qui, elle, peut évidemment être influencée assez grandement par des circonstances extérieures.
Ce qui est frappant, c’est que les circonstances externes influencent peu sur notre bonheur global. Tant qu’on est en sécurité financière, gagner des millions ne rend en fait pas beaucoup plus heureux que de gagner un salaire décent. Pire encore : on sait aujourd’hui que des valeurs matérialistes sont associées à un niveau de bonheur moins élevé. C’est notamment à cause d’un phénomène trop peu connu du grand public encore aujourd’hui.
L’adaptation hédonique : la force cachée qui régit nos vies
Pourtant, l’adaptation hédonique est un phénomène bien connu des chercheurs aujourd’hui : quand il arrive un événement positif dans sa vie, on s’habitue. On a pu mesurer ce procédé chez des vainqueurs à la loterie, par exemple : après un an, leur niveau de bien-être est à peu près équivalent au niveau d’avant l’événement. Des recherches illustrent aussi ce phénomène par rapport à la météo : déménager dans une ville où la météo est bien meilleure influe sur notre bien-être temporairement seulement.
L’adaptation hédonique a une conséquence pernicieuse : l’insatisfaction. Si l’on n’est pas vigilant, on s’habitue assez rapidement à des nouveaux conforts de vie.
Dans mon modèle mental, je préfère penser par conséquent qu’être riche, c’est vivre en dessous de ses moyens, et s’en réjouir. Il est bien plus rentable de s’entraîner à vivre plus le plus pauvrement que possible, car cela augment notre bonheur global (on s’y habitue) et en plus, ça nous confère une plus grande liberté (moins besoin de gagner de l’argent).
Quand je parle de l’adaptation hédonique, mes interlocuteurs trouvent ce phénomène plutôt déprimant : à quoi bon courir après quelque chose, si cela ne nous rend pas heureux? Alors qu’au contraire, c’est une excellent nouvelle :
cela veut simplement dire qu’une vie heureuse ne vient pas par hasard au détour de la vie, à un moment où l’on a atteint ses objectifs. Vivre heureux est une entreprise. Cela demande de reconstruire activement sa vie autour de certains axes.
Mais si les circonstances ne font rien, on fait quoi?
Depuis que j’ai découvert la psychologie positive – la science qui s’intéresse au bonheur – j’ai l’impression que de nombreuses personnes se trompent profondément dans leurs choix de vie. Elles poursuivent certains buts et espèrent que cela les rendra plus heureux automatiquement. Sauf qu’on sait désormais que cette stratégie n’est pas efficace.
La beauté de la chose, c’est que Lyubomirski nous donne les stratégies qui permettent de vivre plus sereinement. Elle a défini 6 axes d’améliorations qui rendent durablement plus heureux :
- ressentir/exprimer de la gratitude et penser positivement (rien n’est grave, après tout)
- s’impliquer dans ses relations
- gérer son stress et ses traumatismes
- vivre dans le présent
- se fixer des objectifs
- prendre soin de soi
Lisez cet ouvrage, car elle présente des exercices pour chacun des axes d’amélioration. Inutile de vouloir tout améliorer en même temps, il vaut mieux se concentrer sur un axe à la fois. Mais vivre selon ces priorités est probablement une bonne manière de devenir plus heureux petit à petit.
Et à l’échelle de la société, on fait quoi?
Ce que je trouve étrange, c’est qu’il est évident pour moi que rendre ses citoyens plus heureux devrait être l’objectif principal d’une nation. Et pourtant, les trois priorités des français, sont, dans l’ordre : le pouvoir d’achat, la baisse du chômage et la diminution des impôts.
Pendant ce temps, les maladies mentales coûtent 80 milliards d’euros par an (c’est plus que le déficit public de la France) et la dépression chez les 18-75 ans a augmenté de plus de 20% entre 2010 et 2017.
Faire preuve d’esprit critique, c’est évaluer des données pour construire des théories et arriver aux bonnes conclusions. Les priorités des français sont matérielles. Je ne sais pas si c’est dû au sondages, au matraquage médiatique… Ou s’il s’agit vraiment des préoccupations principales des français. En tout cas, rien ne semble montrer que nous sommes plus heureux qu’il y a vingt ans alors qu’on est bien plus riches (notre PIB a presque doublé). Niveau esprit critique, on n’est pas encore au point.
*PS : Quelques règles générales :
- passer du temps de qualité avec ses amis, être honnête et se dévoiler pour vivre des discussions intenses et vraies
- construire des communautés et passer beaucoup de temps avec d’autres personnes, soigner ses amis.
- faire attention à ses pensées : prendre conscience de ces moments où l’on cogite et s’arrêter.
- méditer, contempler et s’émerveiller le plus que possible.
- passer du temps dans la nature.
- éviter de se divertir passivement (#netflix) , apprécier l’ennui.
- vivre modestement.
- bien choisir des objectifs de vie compatibles entre eux
(je ne pourrai pas avoir une carrière épanouissante et une vie d’ascète et une vie de famille en même temps). - s’instruire, apprendre et rester curieux.
- aimer.
Ces règles, je les modifie et les transgresse constamment (gare au moralisme), mais elles m’aident.
Surtout, je reste vigilant. Parfois je me surprend à envier un statut, à vouloir de nouvelles choses… Il est très important de remarquer ces pensées et de les atténuer. C’est un combat de tous les instants.
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