Avertissement : Je ne pas veux jouer les coachs de développement personnel avec cet article. Je ne dis pas que tout est possible quand on le veut vraiment.Je ne dis pas que sortir de sa zone de confort est la voie assurée vers le bonheur. C'est faux.
Le grand philosophe Damso a dit "J'ai compris que la vie c'est juste une façon de voir les choses."
Et dans cet article je voulais simplement alerter sur la nécessité de prendre du recul sur sa façon de voir les choses.
Jo est "mélangeur de peinture" dans un grand magasin de bricolage aux États-Unis. Tous les jours, Jo exécute les mêmes tâches, seul. Quand il va au travail le matin, Jo a la boule au ventre. Le soir il s’affale sur son canapé et regarde la télé pour décompresser. Bref : Jo souffre.
Pourtant, rien ne le retient : pas d’enfant, pas de crédit à rembourser… Et il a un rêve : s’acheter une cabane de pêche en Floride pour devenir guide de pêche. Le pire, c’est qu’il en a les moyens.
Pourquoi Jo n’arrête-t-il pas son métier pour réaliser son rêve?
Jo s’est construit sa propre cage.
La vie de Jo est relatée dans un livre merveilleux (il est dans mes livres cruciaux) : Lost Connections, de Johann Harri. L’auteur y parle en profondeur de la dépression. Une pandémie de dépression ravage notre société (j’en parle ici), pourtant elle n’est que très peu mentionnée dans le débat public.
Harri ne nie pas les origines biologiques de la dépression. Simplement, après avoir longuement enquêté sur le sujet, il en est venu aux conclusions que la dépression est amplifiée par le fonctionnement de notre société.
Quand un humain est en dépression, ce n’est pas forcément que pour des raisons biologiques, ça peut aussi être pour des raisons psychologiques ou sociales. Bien que ce fait soit bien connu du milieu médical, Harri explique que l’antidépresseur est souvent prescrit par défaut par les thérapeutes, quand bien même il est souvent inefficace.
Lire ce livre m’a donné envie de parler d’un phénomène mentionné par Harri que je constate autour de moi. Et pour le décrire j’en suis venu à une métaphore qui me parle énormément. Au cours de leurs vies, les être humains se construisent une cage, et je pense que notre bien-être est lié à cette faculté à réaliser que cette cage est entièrement le fruit de notre imagination.
Je ne veux pas être moralisateur dans cet article, et c’est pourquoi je me jette à l’eau avant de donner des leçons, en parlant de moi.
Ma cage
J’ai moi-même été victime de ça pendant mon dernier emploi : au bout d’un an j’étais malheureux. Alors au lieu de partir ou de chercher de nouvelles solutions, j’ai commencé à ajouter des barreaux à ma cage : "plus que deux ans, ça vaut le coup", "c’est un privilège ce travail, je devrais pas me plaindre"…
Chacune de ces excuses – du bullshit total – était un barreau supplémentaire qui obscurcissait mon jugement. Je restais malheureux et inconsciemment je sabotais ma vie avec des pensées qui limitaient mon champ des possibles.
Et le pire c’est qu’on m’aidait à construire ma cage. On me disait : "tu devrais continuer quand même, c’est dur pour l’instant mais ça ira mieux plus tard". Même des gens qui ne connaissaient pas ma situation.
D’un point de vue rationnel, continuer était pourtant un mauvais pari : il était peu probable que ma situation s’améliore. C’est vrai : combien de personnes ont changé leur attitude après 1 an et se sont magiquement épanouies dans leur emploi?
D’un autre côté, il existe une infinités de carrières possibles, autant retenter ma chance (pour l’anecdote je m’épanouis dans mon nouvel emploi (mais un résultat ne garantit pas la validité d’une démarche)).
Des cages, des cages partout
J’ai très souvent rencontré des personnes qui semblent empêtrées. Elles ont le même emploi/conjoint depuis très longtemps, mais ne réalisent pas qu’aujourd’hui elles en souffrent.
Un sondage de 2012 m’a frappé à ce sujet. Il a été réalisé sur des millions d’employés à travers 142 pays (par l’institut Gallup). D’après ce sondage, 13% des gens seulement donnent du sens à leur travail. Et 20% n’aiment pas leur travail. Evidemment on n’a pas tous le choix dans son travail. Mais si on peut, alors on doit arrêter un travail qui ne nous rend pas heureux.
Le psychologue Brad Blanton parle de ça aussi. Il a de nombreux patients qui n’arrivent pas à réaliser que leur conjoint est désormais la cause de leur souffrance. Même s’ils étaient amoureux il y a 20 ans.
Être dans une cage, c’est être dans une situation déplorable – source d’anxiété et de dépression. Et c’est faire tout son possible pour se convaincre qu’on ne peut pas en sortir.
Et pour construire sa cage, il existe une multitude de barreaux.
Barreau 1 : l’argent
Le philosophe Bouddhiste Vishnu Krishnamurti a dit : "Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade". Notre société nous encourage à nous construire notre propre cage en nous poussant à la consommation.
Le chercheur Nathan Dungan a réalisé des travaux passionnants sur le sujet. Il voulait sensibiliser des familles de quartiers populaires en leur posant deux questions. Ces deux questions je vous invite aussi à vous les poser.
- Question 1 : “Si j’ai de l’argent en trop, comment j’aime le dépenser?“
- Question 2 : “Qu’est-ce qui est le plus important pour moi dans la vie?“
Souvent les gens répondent par des choses matérielles à la première question, et à la deuxième ils répondent plutôt par "passer du temps avec ma famille, mes proches". Ces deux questions montrent qu’on a tendance à ne pas dépenser notre argent pour prendre soin des choses qu’on apprécie vraiment (la famille, les expériences…) mais pour des choses que la société souhaite que nous apprécions.
Barreau 2 : les valeurs
Les valeurs mises en avant par la société (le succès, l’argent, la famille…) ne sont pas forcément les valeurs qui nous rendent heureux (le matérialisme rend même malheureux).
C’est là que l’honnêteté radicale peut nous aider. Être radicalement honnête ce n’est pas seulement dire aux gens ce qu’on pense d’eux. C’est dire ce que l’on pense, tout court. Se dévoiler. Il est très difficile d’être clair avec soi-même. Et c’est pour ça qu’il est bénéfique d’être authentique avec son entourage : parler de ses peurs, de ses insécurité, de ses vrais motivations autour de soi est un excellent moyen de comprendre ce qu’on pense vraiment et d’apprendre à se libérer du jugement des autres.
Si on n’ose pas dire quelque chose, pas même à ses amis proches, alors ça veut dire qu’on n’est pas fier de ça, que l’on ne l’accepte pas. Quelque part on s’interdit d’y penser et on ne peut pas le méditer en profondeur parce qu’on se juge.
En fait, j’ai l’impression qu’il est plus simple d’ être d’abord honnête avec les autres (surtout à propos de soi) que d’être honnête avec soi-même.
Barreau 3 : La peur
Évidemment, ça fait peur d’interrompre une habitude, un confort. Pour ça, il faut apprendre à développer son acceptation (j’en ai déjà parlé là). L’acceptation est une vertu : je dois accepter ma situation. La regarder en face, reconnaître qu’on n’est pas heureux actuellement, sans jugement. C’est la première étape indispensable pour surmonter sa peur.
Une de mes connaissance refuse d’arrêter son travail (qu’elle n’aime pas, dans lequel elle dégrade sa santé) parce qu’elle a peur de ne plus pouvoir rembourser son crédit : la peur d’une chose futile (infiniment moins importante que son bien-être) la pousse à rester dans sa boîte. Elle va probablement souffrir de son travail jusqu’à la retraite.
Se libérer de sa cage, c’est se fixer soi-même les conditions de sa vie. La vie n’a pas de finalité intrinsèque, et se libérer de sa cage c’est prendre conscience que ce n’est qu’un jeu et qu’on peut y jouer de la manière qui nous rend le plus heureux.
C’est à nous de choisir si rembourser son crédit est plus important que de vivre une vie épanouissante, pas à notre peur. Bien sûr, rien ne nous dit qu’on fait le bon choix, mais ce n’est pas grave de se tromper (rien n’est grave). La peur de se tromper ne doit pas figer quelqu’un dans une situation merdique.
La fondation de notre cage
Mais la fondation de cette cage, c’est notre ego. L’image que l’on a de soi, c’est une barrière qui nous empêche d’expérimenter le monde vraiment en s’affranchissant de nos valeurs.
Je suis persuadé que nous n’avons pas une essence qui nous est propre. Nous ne sommes que la somme de nos expériences.
Ne plus nous attacher à ce que nous voulons être aux yeux des autres, se libérer du moralisme, c’est l’étape la plus importante pour sortir de sa cage. Plus de lecture là-dessus ici.
1 commentaire
Hello Thibaut,
Cet article a beau dater un peu, je le découvre aujourd’hui et il résonne on ne peut plus en moi.
Cette semaine je me suis libérée de mes barreaux (c’est le cas de le dire puisque je quitte le Barreau).
La peur de décevoir mes proches -et moins proches, la peur de ne pas répondre aux attentes (qui sont essentiellement ma propre fiction), la peur de l’inconnu et d’abandonner ce qu’on est censé avoir appris à faire… je les ai balayées et je me suis trouvée faible, nulle, méprisable de n’avoir pas réussi à m’accrocher.
Aujourd’hui je commence à admettre que c’est une force et une volonté de s’accrocher et la vie et à la santé.
Alors même deux ans après ta rédaction, tes mots sont toujours aussi pertinents et je t’en remercie.